La saison de l’appartenance
Elaine AUDET
Rose des vents, rose de vie je crie pour m’éclaircir le coeur. Je te nomme
pour inventer notre temps. Tu es la chair vive de mes mots.
Je ne t’ai pas imaginée. Vienne la cinquième saison l’éblouie l’intemporelle la rebelle. L’inouïe saison de l’appartenance.
Vienne l’attendue inattendue fendant la mer de nos défaites pour que les dépaysés à la langue coupée que nous sommes devenus abordent l’autre rive d’eux-mêmes avec cette joie natale qui dans nos veines chante en rafales. Mémoire d’une terre raptée à l’orée de son histoire.
Vienne la libre saison des vivants brisant les codes et les lois contre les paradis
réducteurs toujours venus d’ailleurs pour acheter notre âme avec des miroirs de pacotille. Comme autrefois fut décimée l’amérindienne harmonie. Folklorisée
l’appartenance à la terre et au feu ce dialogue avec la
lune qui montait des entrailles des femmes pour inventer la pluie et les moissons. Tout cela que les envahisseurs en complets gris ne sauront enfermer sur leurs disquettes imiter avec leurs
logiciels ni engloutir dans le libre échange du vide.
Vienne la cinquième saison ciel logique des coureurs de vie. Terre promise fleuve désir. Retour de la mémoire native écrite dans le souffle des femmes avec le nom unique de l’enfant et la légitimité de son devenir.
Non je n’exagère pas quand je dis ta voix comme la cinquième saison.
L’éblouie l’intemporelle la rebelle. L’inouïe saison de
l’appartenance. Mémoire séditieuse. Poing fermé sur le dur refus de mourir. Rose des vents rose de vie je ne saurais autrement te dire le pays qui nous ressemble. Le poème qui nous rassemble en
ce temps de reniement. De contagion du néant.
© Élaine Audet, Le Cycle de l’éclair, Québec, Le Loup de Gouttière, 1996.
"Avoir des esclaves n'est rien ; ce qui est intolérable, c'est d'avoir des esclaves en les appelant citoyens." Denis Diderot